Un pays vient de mourir, parmi tant d'autres : le mien. On peut l'appeler Béarn, Pays basque ou Landes, il n'est plus rien d'autre qu'un casier administratif : le Sud-Ouest, où l'on range les hommes et les choses comme partout ailleurs. Mais comme ma patrie vient de périr et que nul ne s'en soucie, son cadavre reste là sous le soleil ; il tourne à la charogne et il pue. C'est le progrès, qui n'est jusqu'ici que décomposition : chaos de pavillons, d'immeubles, de ferrailles et de détritus. Et à travers l'informe et l'innommable, la banlieue – parfois la Zone –, s'écoule la diarrhée d'asphalte que répand la bagnole avant d'aller crever contre un poteau ou dans un pré. Les fermes abandonnées s'écaillent ou s'écroulent, quand elles ne se fardent pas pour plaire à un bourgeois...
Voici un extrait de la préface du livre de Charbonneau « Tristes campagnes », un livre écrit en français, publié en 1973, publié de nouveau par les éditions « le pas de côté ». Un livre dont la réalité décrite et prospective est, malheureusement, d'une criante actualité.
Le livre s'articule autour de 3 grandes parties, « Ce qui fut », « Ce qui est » et « Ce qui sera ».
La première partie est une analyse comparative entre les sociétés des pays Béarnais et Basque, analyse sociologique assez agréable mais peut-être un peu surannée aujourd'hui, d'autant plus que le lyrisme de quelques formules fait difficilement oublier l'absence cruelle de l'humain et sa culture, dans ce paysage.
La seconde partie est une attaque en règle contre la charge des bulldozers de l'industrialisation, industrialisation au nom du bonheur et du progrès pour tous et toutes, avec les même modalités que les projets d'exploitation de gaz de schiste ou de Notre-Dame-des-Landes, 40 ans après.
La troisième et dernière parlait d'un futur probable pour les année 2000 ou 2020, autant dire que nous sommes au coeur de ses chroniques « futuristiques ». Charbonneau vit loin, très loin et juste, de trop même. Il parlait sur un ton humoristique de plusieurs hypothèses pour notre futur ; notre présent est désenchanté : industrie du tourisme partout, décharges et monocultures aussi.
C'est un livre à lire de toute urgence.
- Le site de l'éditeur (→ fr), duquel est tirée l'image d'illustration.
- Les lecteurs et lectrices occitanophones trouveront une traduction de cet article, ici (→ lm), traduction augmentée de considérations sur l'absence de la langue gasconne dans le livre sauf à travers les grilles du « francitan ».
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Propagande : Dans la bibliothèque de l'association, est disponible « La revue dessinée n°1 »(→ fr). C'est un de ces hybrides mi revue-mi livre, ici dans une robe graphique. Au sommaire, un reportage assez tiède sus un zoo, un article sus « le prix de la terre » et surtout une histoire des « pionniers du gaz de schiste », cette dernière fait penser au travail de Squarzoni. La lecture de cette revue n'est pas des plus désagréables.